
« Le mal réside dans les mots que la tradition a voulus absolus, dans les significations dénaturées que les mots continuent à revêtir. Le mot amour mentait, exactement comme le mot mort. Beaucoup de mots mentaient, ils mentaient presque tous. Voilà ce que je devais faire : étudier les mots exactement comme on étudie les plantes, les animaux. Et puis, les nettoyer de la moisissure, les délivrer des incrustations de siècles de tradition, en inventer de nouveaux, et surtout écarter pour ne plus m’en servir ceux que l’usage quotidien emploie avec le plus de fréquence, les plus pourris, comme : sublime, devoir, tradition, abnégation, humilité, âme, pudeur, cœur, héroïsme, sentiment, piété, sacrifice, résignation. »
Il est des livres dont on découvre par hasard l’existence, grâce notamment au travail d’éditeurs férus de pépites qui ne craignent pas de faire des paris audacieux. L’Art de la joie est de ceux-là. Roman fleuve de Goliarda Sapienza, il ne fut publié qu’après la mort de son autrice, et redécouvert presque par hasard en France. Trop novateur, trop libre, c’est un roman en avance sur son temps, d’une femme au parcours incroyable, dont je vous invite à lire les autres textes, notamment ses écrits de prison.
Vie et œuvre de Goliarda

Née dans une famille sicilienne anarchiste et socialiste au début du vingtième siècle, Goliarda Sapienza a lutté toute sa vie contre le fascisme et les conformisme. Femme libre, passionnée de théâtre, elle fut actrice, comédienne, dramaturge et écrivaine. Son œuvre la plus radicale, L’Art de la joie, fut longtemps rejetée par les éditeurs et publiée pour la première fois par son mari à compte d’auteur, avant d’être redécouverte et considérée aujourd’hui comme un chef d’œuvre de la littérature contemporaine.
Modesta, la liberté faite femme
Tout commence dans une maison pauvre dans la Sicile rurale du début du vingtième siècle. C’est là qu’est née et grandit Modesta, avec sa mère, sa soeur handicapée, mais sans son père, disparu avant qu’elle n’en garde des souvenirs. Un père qui réapparaît pour commettre le pire, violer Modesta alors qu’elle n’est qu’une enfant.
« Il est facile de s’offrir le luxe de faire l’agneau, quand la nature vous a accordé la faveur de naître loup. »
Ôtée de sa famille pour être placée dans un couvent, elle témoigne d’une liberté d’esprit qui questionne le monde et l’ordre établi dès son plus jeune âge. Modesta veut être libre, libre d’aimer qui elle veut, libre d’apprendre et de devenir indépendante malgré sa condition de femme, libre de réussir bien que née pauvre.
Une écriture lumineuse qui happe dès les premières pages, une histoire digne des grandes sagas romanesques, des personnages attachants, ce roman somme est un immanquable. Vraiment. Pour aller plus loin, écoutez ces deux épisodes de l’émission La compagnie des oeuvres consacrés à la vie de Goliarda Sapienza, et à son oeuvre littéraire.
L’Art de la joie, Goliarda Sapienza. Le Tripode, 2015.
Depuis des années dans ma PAL mais je viens de le mettre en évidence car je sais qu’il y a là une pépite 🙂
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Oui vraiment et je suis loin d’être la seule à le recommander 😉 ! Tu me diras si tu rejoins le club des groupies de Modesta ^^
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Un peu de patience 🙂
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