
Nous qui pensions
Que Ida était comme nous
Que dis-je ?
Était à nous
Pionnière du Nouveau roman et du roman poétique, Hélène Bessette a été une écrivaine reconnue et admirée par ses pairs, plusieurs fois nominée pour le prix Goncourt. Son oeuvre, qui se démarque par « sa radicalité, son originalité, son inventivité, sa musicalité » selon Le Monde, est pourtant assez peu connue du grand public. Il était temps de s’y plonger, et j’ai choisi Ida ou le délire, dernier roman publié de son vivant. Débuter la lecture d’une œuvre littéraire par sa fin, et bien pourquoi pas.
Elle n’est pas chez elle
Elle n’a rien
Elle n’aura jamais rien
Ida, employée de maison discrète meurt violemment renversée par un camion. S’offre alors à nous son portrait par les gens qui l’ont côtoyée, formé de bribes de pensée et de dialogues. Un groupe hétérogène gêné de cette situation tragique. Ida n’avait pas d’amis ni de famille connus, la voilà dépeinte par les gens qui l’employaient, obligés de s’occuper des modalités pratiques de sa disparition. Qui trouvent tout de même assez déplaisant toutes ces démarches pour une simple employée.
On creuse au fur et à mesure dans les recoins de cette vie insignifiante pour beaucoup, mais mystérieuse et bien plus riche qu’il n’y paraissait. Quels étaient ses rêves ? Ses projets ? Ses failles ? Elle n’était rien pour eux, mais les obsède tous à présent. Ida, qui aimait les belles choses, regardait ses pieds, et arrosait les fleurs la nuit. Quel positionnement délicat que celui de l’employée de maison, qui fait partie de la famille dit-on, mais n’est au final qu’une possession, soumise par la différence de milieu social. « Est-elle chez elle ? N’est-elle pas chez elle ?« . On voit ici tout le mépris des dominants sur les classes opprimées.
Je ne m’attendais pas à tant de noirceur dans ce texte, à autant d’intensité. Je découvre Hélène Bessette par ce titre, et ai très envie de continuer d’explorer son œuvre unique. Et quelle forme originale, entre vers libres et flux de conscience, un portrait par bribes volatiles, une mosaïque incomplète. Connait-on vraiment les gens que l’on côtoie ?
Roman lu dans le cadre du challenge #moins10dansmapal en 2024.
Ida ou le délire, Hélène Bessette. Editions Points, 1973 ; 2020 pour la présente édition.

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