Jacaranda / Gaël Faye

Tu viens ici en touriste et tu repartiras en pensant avoir passé de bonnes vacances. Mais on ne vient pas en vacances sur une terre de souffrances.

Lorsque j’ai appris que Gaël Faye sortait un nouveau roman, l’excitation s’est doucement muée en appréhension. Cela faisait des années que j’espérais un autre ouvrage de cet artiste que j’affectionne tout particulièrement, et que j’ai vu un nombre incalculable de fois en concert. J’ai je dois l’avouer repoussé ma lecture, par peur une fois de plus d’en attendre trop, comme pour Frapper l’épopée d’Alice Zeniter.

Tout commence par la voix de Milan, douze ans. Enfant unique, Milan n’a que très peu de liens avec le pays d’origine de sa mère, le Rwanda. Secrète et froide, elle évite le sujet. Jusqu’au jour où débarque du pays Claude, « neveu » de sa mère. Hébergé quelques temps avant de disparaître soudainement, ce presque frère pour Milan va être le déclencheur de son premier voyage au Rwanda, des années après. Au choc de la découverte s’ajoute la rencontre avec des proches dont il n’avait jamais entendu parler. Cette quête des origines sera le cheminement de vie de Milan, qui retournera régulièrement au pays. On suit alors en creux sa propre évolution, mais aussi celle de cette terre qui tente de se reconstruire après le pire.

Petit, j’avais certainement dû lui demander où se trouvaient son pays, ses parents – mes grands-parents, que je ne connaissais pas. Je ne me souviens plus de ses réponses. Le passé de ma mère était une porte close. D’ailleurs, elle n’écoutait pas de musique rwandaise, ne cuisinait pas de plats de là-bas et ne m’avait pas chanté de berceuse dans sa langue maternelle.

Eusebie, Stella, Claude, Sartre, la mère et la grand-mère de Milan, autant de parcours de vie très touchants, qui nous permettent de plonger dans l’horreur de l’un des pires génocides de l’histoire de l’humanité, et ses répercussions sur tout un pays, et au-delà. Gaël Faye réussit ici à retranscrire l’indicible, les marques profondes laissées dans les corps mais aussi des les âmes des survivants. C’est assez bouleversant. Il aborde de manière intéressante les traumatismes laissés aux générations d’après, qui n’ont pas vécu le génocide mais le ressentent eux aussi dans leurs tripes. Et comment malgré tout, la vie doit reprendre son cours.

Il a fallu attendre un peu avant que je sois happée par ses personnages et son histoire, mais lorsque tout s’est mis en place, j’ai aimé. Si pour moi l’écriture est assez simple et la construction du récit classique, elle permet aux émotions des protagonistes de se dévoiler dans toute leur ampleur. Il y a eu d’autres œuvres écrites et filmées sur cette tragédie bien entendu, mais Gaël Faye de part sa profonde humanité y apporte sa propre touche personnelle. Pour ne jamais oublier.

Jacaranda, Gaël Faye. Editions Grasset, 2024.

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