
Nous ne savons vraiment rien du monde, nous regardons la mer dans l’ignorance la plus totale, distinguant les vagues et rien d’autre, alors qu’il y a toujours beaucoup plus dans les profondeurs, mais seul le temps et le courage nous y conduisent. Ce n’est qu’au fond de chaque chose que se cache la vérité. Et la vérité de la mer, c’est qu’il n’existe pas de vie sans danger.
Les êtres vivants naissent, grandissent, vieillissent et meurent. La mort est un passage obligatoire pour toutes et tous, sauf dans le très beau roman de Socorro Acioli, paru chez Tropismes éditions. C’est une histoire de vie, de mort, de voyage, d’amour, de mer, de magie…Une plongée dans un récit aux airs de fable qui remue profondément.
Résumé
Dans la nuit portugaise, un couple s’affaire. Il creuse la terre. Un corps en sort doucement, mais un corps aux yeux hagards qui reprend sa respiration. C’est une jeune femme, nue, sans cheveux, mais qui semble bien vivante. Elle porte un collier de coquillages, c’est tout ce que l’on sait d’elle. Accueillie et choyée par Florice et Fernando, elle fait partie des Ressuscités. Florice fait cela depuis toujours, on lui donne un lieu et un jour et elle va les chercher. Son mari médecin l’assiste. C’est une pratique qui se transmet de génération en génération, et on lui a dit que cette fois-ci ce serait sa dernière.
A Almofala la jeune étrangère, renommée bientôt Aparecida, reprend doucement ses marques. On raconte que c’est une cousine éloignée qui a besoin de repos pour ne pas éveiller les soupçons. Les blessures profondes qui marquent son corps témoignent d’une mort violente. Elle ne se souvient de rien, il va lui falloir du temps. On suppose qu’elle vient d’un autre continent, et qu’elle a traversé les mers pour échapper à un grand danger. Ils resteront avec elle jusqu’à ce qu’elle soit de nouveau autonome, ils sont ses gardiens, ses veilleurs bienveillants. Seuls des rêves marins, remplis d’hippocampes et d’un amour visiblement perdu la hantent. A elle maintenant de retrouver la mémoire pour faire la paix avec son histoire.
Dans mon rêve, j’ai revu ses yeux de très près. Cette fois, il ne souriait pas. Une rivière s’écoulait derrière eux. L’eau nous séparait, et telle est notre vérité, une mer d’oubli s’étend entre nous.
Avis
Ce récit m’a beaucoup touchée par sa beauté et les images qu’il convoque. C’est une réflexion sur la vie, les secondes chances, mais aussi la liberté. Il se pare de réalisme magique pour mieux nous embarquer dans une réalité alternative plausible, où les savoirs des peuples autochtones sont magnifiés, et l’horreur de la colonisation dénoncée en filigrane. C’est aussi une belle histoire sur les liens, et l’amour profond qui lie deux êtres. Socorro Acioli a créé un univers onirique et intriguant, et des personnages auxquels on se lie. J’ai beaucoup aimé la douceur de sa plume traduite par Régis de Sà Moreira, une douceur aux envolées poétiques et humanistes.
Un grand grand merci aux éditions Tropismes de m’avoir permis de découvrir ce texte qui reste ancré en moi après la lecture, et m’a fait voyager bien au-delà des mes espérances.
Prière pour disparaître, Socorro Acioli. Tropismes éditions, 2024.

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