Dix lectures marquantes en 2024

S’il fallait faire un top des lectures de 2024, j’ai choisi celles qui ont laissé les plus grandes marques en moi. Récits forts, émouvants, drôles, qui ouvrent à la réflexion, ces dix titres méritent fortement de s’y pencher.

Respire / Marielle Macé. Editions Verdier, 2023.

J’ai dévoré d’une traite ce petit livre à la fois limpide et si riche. La question de la respiration a tenu une place importante dans la vie de Marielle Macé. Enfant asthmatique, elle a grandi dans un lieu pollué par les usines, et a vu son père boulanger souffrir d’allergies aux pesticides contenus dans la farine. Elle nous offre ici une réflexion complète sur la notion physiologique, philosophique et sociale du manque d’air dans nos vies actuelles, et nous invite à se retrouver pour « conspirer ». Égrené de nombreuses citations littéraires, ce petit bijou est à lire et offrir sans modération.

Du même bois / Marion Fayolle. Editions Gallimard, 2024.

C’est l’essence du monde rural dans toute sa rudesse que décrit avec amour Marion Fayolle, un monde qui se meurt doucement car les plus jeunes refusent cette vie si dure, et descendent dans la vallée vivre autrement. Le corps et le sensoriel occupent une place prépondérante dans ce récit. Il y a la chaleur des bêtes, leur odeur aussi. Le sang, les excréments, la terre. Il y a la vie et la mort. Beaucoup de choses sont dites en creux dans ce court texte, plein de souffrance mais d’amour aussi. J’ai trouvé cela bouleversant et vous recommande vivement de vous y plonger, et vous en parle ici.

La petite lumière / Antonio Moresco. Editions Verdier, 2014.

Baser toute une histoire sur un petit événement, et en faire la métaphore de la condition humaine, voilà le tour de force que réussit brillamment ce récit, entrecoupé de réflexions du narrateur, et d’observations poétiques de la nature. J’ai aimé l’atmosphère étrange de l’histoire, où tout semble légèrement anormal, malaisant, et en même temps familier. Une forme littéraire d’inquiétante étrangeté, où l’on évolue dans un monde semblable au nôtre mais différent. Un livre sur la solitude, l’enfance, la mort, le crépuscule du monde…Un très grand récit pour moi. Pour en savoir plus, je vous en parle plus longuement ici.

Et, refleurir / Kiyémis. Editions Philippe Rey, 2024.

Je réalise que j’ai découvert deux très beaux textes de Kiyémis l’année passée, et ne vous en ai même pas parlé ! Je me rattraperai très vite car elle fait partie des artistes afroféministes sur lesquelles j’ai envie d’écrire. Ce récit poétique, solaire, touchant et vivant a ravi mon cœur en 2024. Romancer la vie de son aïeule n’est pas chose facile, mais elle a brillamment relevé le défi. Entrecoupé de parenthèses poétiques, Et, refleurir nous donne à voir la vie d’une femme inspirante, sans cacher ses failles et son humanité. A lire !

Racines / Lou Lubie. Editions Delcourt, 2024.

Cela faisait longtemps que je n’avais pas lu une bande dessinée documentaire aussi rondement menée entre récit personnel, étude sociologique et manifeste social. Dans une société dictée par des normes de beauté quasi indéboulonnables, s’aimer est compliqué, surtout lorsque l’on ne correspond pas aux standards véhiculés partout autour de soi. Et quand à cette honte de soi s’ajoutent des relents racistes et colonialistes, on obtient un cocktail explosif d’haine de soi et des autres qui sont comme soi. Le racisme intériorise existe, et il se manifeste de façons diverses et très retorses. Ce récit est une bonne porte d’entrée pour les personnes souhaitant découvrir le sujet de manière accessible et didactique. Et pour un côté plus fictionnel mais tout aussi juste sur le sujet, je vous conseille la douce BD Frizzy, chroniquée ici.

Ilaria ou la conquête de la désobéissance / Gabriela Zalapi. Editions Zoé, 2024.

C’est l’un de mes coups de cœur de la rentrée littéraire 2024. Ilaria ou la conquête de la désobéissance est un récit court faussement simple, qui frappe par la densité des sentiments contenus entre les lignes. Les non-dits affleurent constamment, nous enveloppant d’une doucereuse pesanteur. Récit d’enlèvement, mais aussi de liberté, son autrice touche juste, et cisèle chaque mot à voix d’enfant. J’en parle plus longuement ici.

Terres promises / Bénédicte Dupré La Tour. Les éditions du Panseur, 2024.

Là aussi une excellente publication de la rentrée littéraire 2024, un premier roman époustouflant par sa richesse et la qualité de son écriture. Ce récit choral nous plonge dans le destin de plusieurs personnages lors de la Conquête de l’Ouest. la Ruée vers l’or et ses fantasmes sont habilement détournés pour nous plonger dans la réalité des populations maltraitées. Le style vous happe, les personnages et les différentes histoires aux échos subtils vous captent et vous hantent bien après la lecture, les intrigues vous bouleversent…Bref pour moi un incontournable de cette rentrée, et un premier roman appelé à devenir un grand texte. Qu’il est bon de faire ce genre de rencontre littéraire, de plonger dans les premières pages sans trop savoir à quoi s’attendre, et de refermer le livre en se disant « il y a un avant et un après ». J’en parle plus longuement ici.

Prière pour disparaître / Socorro Acioli. Tropismes éditions, 2024.

Ce magnifique texte découvert presque par hasard a marqué mon imaginaire cette année. Réflexion sur la vie, les secondes chances, mais aussi la liberté. Il se pare de réalisme magique pour mieux nous embarquer dans une réalité alternative plausible, où les savoirs des peuples autochtones sont magnifiés, et l’horreur de la colonisation dénoncée en filigrane. C’est aussi une belle histoire sur les liens, et l’amour profond qui lie deux êtres. Socorro Acioli a créé un univers onirique et intriguant, et des personnages auxquels on se lie. J’ai beaucoup aimé la douceur de sa plume traduite par Régis de Sà Moreira, une douceur aux envolées poétiques et humanistes. Je suis très reconnaissante à Tropismes éditions de m’avoir permis sa lecture, et vous en parle plus longuement ici.

Effacement / Percival Everett. Actes Sud, 2006.

Voilà une lecture comme j’aimerais en lire bien plus souvent ! C’est juste brillant, il avait longtemps que je n’avais pas lu quelque chose d’aussi intelligent et enthousiasmant. C’est une profonde réflexion sur le pouvoir de la littérature, et ses limites. Partager la vie d’une communauté que l’on ne connaît pas, ou bien renforcer les clichés qu’il s’y rapportent pour mieux rester dans ses préjugés ? Percival Everett nous invite à lutter pour dépasser les attentes, et surtout créer d’autres imaginaires où les relents racistes n’ont plus lieu d’être, que ce soit en littérature ou dans notre société. Un incontournable à lire pour moi ! Ma chronique est ici.

Yellowface / Rebbeca F. Kuang. The Borough Press, 2023.

Ma dernière lecture (ou presque) de 2024, et pas des moindres. je découvre tardivement cette autrice, et ai choisi de débuter par ce titre, en version originale pour se challenger. C’est là aussi un bijou de dérision et de critique du milieu littéraire, une histoire de plagiat, de hantise, de culpabilité et de création. Je vous en parlerai plus en détails, mais en tout cas j’ai adoré !

Laisser un commentaire

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑