Les méduses n’ont pas d’oreilles / Adèle Rosenfeld

Appartement

Nom latin : salvete

Nom vulgaire : grêle

Latitude : 48.8355906

Longitude : 2.344926100000066

Une avalanche de dents de lait

C’est un très beau texte que nous offre Adèle Rosenfeld, un premier roman prometteur à la plume unique. Basé en partie sur sa propre histoire, elle nous livre à travers son double de papier Louise un témoignage tout en poésie et finesse sur la vie sans l’audition, et le décalage permanent vécu dans une société faite et pensée pour les entendant.e.s.

Malentendante depuis la naissance, Louise réalise que son ouïe baisse de plus en plus, et qu’elle devient sourde, ce que lui confirme les tests médicaux qu’elle effectue. Se pose alors pour elle le dilemne de l’appareillage par un implant cochléaire, et entendre à nouveau dans un univers où tout lui semblera étranger, même sa propre voix, ou vivre sa surdité pleinement, et entrer définitivement dans le monde du silence. Sa vie en vacille progressivement.

Louise entend mal, déchiffre ce qu’elle peut sur les lèvres, ce qui donne lieu à des quiproquo parfois terribles pour elle, mais fait naître aussi toute une poésie dans les bribes entendues, dans la distorsion des mots. Elle dont l’imagination est débordante et sublime transforme les malentendus en histoires poignantes, en moments magiques et lointains. Louise se réfugie dans qu’elle crée, un univers peuplé de personnages qui l’accompagnent, métaphores parfois de son isolement et de son exclusion de la société. Elle décide de créer un « herbier sonore » de tous ces sons qui l’entourent.

C’est drôle et fantasque, mais cela aborde aussi de manière frontale les subtilités et difficultés de la langue parlée pour Louise. Il y a l’incompréhension permanente, la fatigue de devoir lire sur les lèvres, de devoir déchiffrer, la peur d’être stigmatisé.e. Tout devient un quasi combat pour comprendre et se faire comprendre, que ce soit au travail, ou lors d’une sortie entre amis, avec la peur de devoir échanger à la fin du jour, lorsque la lumière entre chien et loup n’est plus assez présente sur les visages.

En résumé un roman doux et solaire, qui s’il ne cache rien de la souffrance de l’héroïne nous raconte aussi la naissance d’un amour, et comment tromper la morosité par le fil de l’imagination, pour composer dans un « monde troué ». Et qui nous invite à porter plus d’attention à celles et ceux qui nous entourent, à penser l’inclusion dans son quotidien, à se décentrer et à ne pas oublier ni mettre de côté les Sourd.e.s. Je vous recommande d’ailleurs le très beau documentaire de Laëtitia Carton, J’avancerai vers toi avec les yeux d’un Sourd, sur la culture sourde et la Langue des Signes Française, et leur manque criant de reconnaissance.

Les méduses n’ont pas d’oreilles, Adèle Rosenfeld. Grasset, 2022

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