La maîtresse de Carlos Gardel /Mayra Santos-Febres

Comment définit-on l’amour ? Que définit la force d’une histoire, d’une rencontre ? Est-ce le temps passé ensemble ? Est-ce le moment de notre vie durant laquelle elle survient ? Est-il vrai que l’on n’oublie jamais son premier amour ?

Dans ce roman virtuose, Mayra Santos-Febres aborde plusieurs histoires en une, qui mêlent l’intime et l’Histoire de Porto Rico : celle de Micaela Thorné, de son initiation amoureuse avec le grand chanteur de tango Carlos Gardel, de son passage à l’âge adulte et des choix qu’elle fera ; du passage du roi du tango Carlos Gardel pendant 27 jours en 1935 sur l’île de Porto Rico ; des recherches faites à Porto Rico dans les années 1960 sur l’Enovid, qui deviendra le premier contraceptif oral féminin.

Au crépuscule de sa vie, Micaela Thorné, grande chirurgienne portoricaine ayant dédié sa vie aux soins, et à la recherche, se souvient d’un épisode bref mais intense de sa vie, qui l’a marquée à jamais.

C’est une rencontre pas comme les autres. Elle a 20 ans à peine, et passionnée de botanique et de médecine, elle rêve de faire de grandes études pour sortir de sa condition sociale, et rompre le déterminisme qui la voudrait devenir guérisseuse comme sa grand-mère adorée, Mano Santa.

Il est bien plus âgé, et n’a plus rien à prouver. C’est une star mondiale, acclamée où qu’il aille. Il fait vriller les cœurs des dames, et les messieurs respectent son talent musical. C’est le plus grand chanteur de tango de sa génération, et le voilà qui débarque pour 27 jours sur l’île de Porto Rico.

Il est malade, très malade, d’une maladie honteuse qu’il cache au public, et une crise le terrasse à peine arrivé sur cette île, avec le risque d’annuler son premier concert. On fait quérir une guérisseuse pour tenter le tout pour le tout. Mano Santa se rend au chevet de ce patient particulier avec sa petite fille, Micaela. L’étincelle entre ces deux êtres jaillit. Alité, souffrant, Gardel est veillé toute la nuit par Micaela, et dans ses délires fiévreux, lui confie sa vie. Ils vont se revoir, car elle ne comprend pas ce trouble qui la domine lorsqu’il est là, et lui se sent ensorcelé par cette « negra« . Il va lui parler, ils vont s’aimer 27 nuits. 27 nuits qui laisseront un souvenir indélébile à la jeune Micaela.

Car c’est doublement une période charnière pour elle : elle veut grandir, se libérer de son héritage, mais ne veut pas trahir sa grand-mère sur qui les laborantins font pression pour voler ses connaissances et son secret, jalousement gardé de génération en génération : le cœur-de-vent, plante mystérieuse qui guérit comme elle peut tuer, et qui a le don de rendre inféconde temporairement la femme qui en prend.

On suit aussi la vie de El Zorzal Criollo  (la grive créole), né en France Charles Gardes et qui émigre en Argentin à 2 ans, ses petits boulots de rabatteur de maison close, ses petits larcins, et sa découverte du chant qui scellera son destin. Lui qui, au sommet de sa gloire meurt prématurément dans un accident d’avion en 1935, ce qui fera de lui un mythe populaire, et associera son nom au tango à tout jamais.


Ce magnifique roman sensuel et chaleureux nous parle du passage à l’âge adulte, de l’initiation amoureuse, mais aussi et surtout le portrait de femmes fortes. C’est enfin l’occasion de découvrir un scandale sanitaire passé sous silence, le scandale Enovid.

La maîtresse de Carlos Gardel, Mayra Santos-Febres. Zulma, 2019

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :