
« Yamina n’a que son amour à offrir à ses enfants. Peut-être que l’amour les apaisera. Avec un peu de chance, l’amour leur fera oublier les humiliations et les décharges du poids des sacrifices. »
Quel beau roman, quelle belle histoire, quel bel hommage. Un ouvrage d’une tendresse infinie, mais empli de colère sourde également, contre l’injustice infligée des générations de personnes venues d’ailleurs arrivées en France, et dont on a imposé et vanté la « discrétion », reniant leur richesse culturelle et humaine.
C’est un récit intime mais aussi profondément politique que nous offre Faïza Guène, autrice que j’apprécie depuis fort longtemps, et dont le dernier opus est pour moi le plus brillant. Découvert il y a une quinzaine d’années avec Kiffe kiffe demain, son talent de conteuse du quotidien dresse le portrait d’une époque, d’une réalité nuancée et précieuse pour le paysage romancier actuel.
La discrétion, hommage et dénonciation
Yamina est une petite femme discrète, à qui ses soixante-dix ans n’ont pas ôté son regard espiègle et enfantin. Yamina a grandi dans un petit village en Algérie, idéalisant la figure de son père, combattant de la guerre d’indépendance algérienne. Mariée passés ses trente ans, elle part non sans un déchirement en France pour y suivre son mari, ouvrier du bâtiment. Il a répondu à l’appel de la France en grande recherche de main-d’œuvre docile et peu coûteuse. Une vie à utiliser son corps, sa force de travail pour pourvoir aux besoins de sa famille, et permettre à ses enfants d’avoir une meilleure vie que la sienne.
Car Yamina et son mari ont une grande fierté : leurs trois enfants, devenus adultes maintenant. Des enfants qu’ils ne comprennent pas toujours, qui refusent parfois de suivre le chemin qu’ils leur voyaient tout tracé, mais qu’ils aiment infiniment.
Ils ont tout fait pour s’intégrer, pour se faire « discrets », ne pas déranger. Ils sont quasi invisibles alors qu’ils ont tant à dire, surtout Yamina. Elle qui subit discriminations et humiliations régulières, y fait face dignement.
Oscillant habilement entre passé et présent, La discrétion est un sublime portrait de femme, la narration d’une vie. Se dressent alternativement les pensées de Yamina et ses enfants, tour à tour comiques, profondes ou dramatiques. Témoignage essentiel en ces temps troubles, ce roman est une réflexion profondément humaine et bouleversante.
La discrétion, Faïza Guène. Plon, 2020
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