
« Nous devons croire dans notre âme que nous sommes quelqu’un, que nous ne sommes pas rien, que nous valons quelque chose, et nous devons arpenter chaque jour les avenues de la vie avec dignité, en gardant à l’esprit que nous sommes quelqu’un. »
Révérend Martin Luther King
Il est parfois des lectures que l’on repousse, par peur d’être déçu.e. Des lectures dont on sait qu’elles représentent beaucoup, que l’on attend au tournant, que notre entourage littéraire ne cesse de nous recommander. Alors on les évite un temps, et quand enfin on décide de se lancer, parfois la rencontre avec l’oeuvre ne se fait pas. Mais parfois si, elle dépasse nos attentes et nous procure un moment intense de littérature et d’émotions. Nickel Boys fait partie de cette seconde catégorie.
Que dire de Colson Whitehead qui n’ait pas déjà été dit ? Prodige de la littérature américaine, cet auteur encore jeune a pourtant su imposer sa voix en quelques romans. Une voix qui dénonce et réfléchit en profondeur sur l’histoire trouble et complexe des États-Unis avec sa population Noire. Double lauréat du prix Pulitzer, pour son précédent roman Underground Railroad, et celui dont je m’apprête à vous parler.
« Young, gifted and Black »
Elwood Curtis est un jeune homme promis à un brillant avenir. Modèle de vertu, droit, travailleur et intelligent, il surpasse ses camarades dans bien des domaines, et éblouit certains de ses professeurs par ses capacités. Oui mais voilà, Elwood est Noir, et vit dans les États-Unis ségrégationnistes du début des années 60.
Imprégné des discours de liberté du révérend Martin Luther King qu’il écoute en boucle, Elwood veut croire en un avenir meilleur, seulement un banal contrôle, et sa présence au mauvais endroit au mauvais moment aura tôt fait de ses rêves d’émancipation et de grandeur. Le voilà incarcéré à tort dans un centre de correction pour mineurs délinquants, la Nickel Academy.
« Les ténèbres ne peuvent chasser les ténèbres, seule la lumière le peut. »
Commence alors pour Elwood un voyage en enfer, un lieu censé en faire d’honnêtes et responsables jeunes adultes où la terreur, la torture et l’aléatoire sont les lois dominantes.
Comment continuer à porter les enseignements de paix de Martin Luther King lorsque le quotidien est fait de violence et de racisme ? Où tout est fait pour briser tout espoir et vie en soi ? Elwood veut pourtant continuer à croire en ces beaux idéaux, contrairement à son plus proche ami Turner.
Pour écrire cette fiction poignante, Colson Whitehead s’est inspiré de faits réels, en s’appuyant sur la découverte en 2014 d’un charnier d’enfants juste à coté d’une ancienne maison de correction, la Dozier School of Boys. Y ont été exhumés des dizaines de squelettes, de jeunes Noirs probablement, portant d’affreuses traces de coups, et enterrés sans sépulture. Les anciens pensionnaires savaient l’horreur qui s’y tramait, mais il fallut attendre des fouilles universitaires pour rendre visibles leurs témoignages.
Le plus glaçant dans ce récit restera pour moi le parallèle que l’on ne peut s’empêcher de faire avec la situation actuelle des Noirs-Américains, dont les récents événements viennent raviver la plaie encore béante du racisme et de l’oppression subis encore aujourd’hui.
Nickel Boys, Colson Whitehead. Albin Michel, 2020
C’est « glaçant » en effet, et tellement bouleversant… certains disent ne pas avoir été touchés par les personnages, les avoir trouvés froids et j’avoue ne pas du tout partager cette impression !
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