Motherfucker / Guillaume Martinez et Sylvain Ricard

« Je m’appelle Vermont. Vermont Washington. Mon nom est le symbole de toute une nation : le Vermont est le premier état à avoir rejoint l’union des 13 états fondateurs… Et Washington est le premier président des Etats-Unis d’Amérique…Celui qui participa à la rédaction de cette constitution « respectueuse » des droits de l’homme et du citoyen. »

Vermont Washington, un nom tout en symbole pour une époque trouble que restituent avec justesse Guillaume Martinez et Sylvain Ricard dans cette bande dessinée fictionnelle qui nous plonge dans le quotidien d’un militant Black Panther à la fin des années 1960 aux Etats-Unis. De galères en galères, d’humiliations en agressions, le destin de Vermont est semé d’embûches contre lesquelles il souhaite lutter non plus seul, mais soutenu par son parti.

« Point 1 : nous voulons la liberté. Nous voulons le pouvoir de définir la destinée de notre peuple noir. »

Avoir rejoint les rangs du Black Panther Party, mouvement révolutionnaire de libération des noirs-américains d’inspiration maoïste et marxiste-léniniste, en fait une double menace pour son gouvernement : il lutte pour l’émancipation des noirs, pour la fin de leur ségrégation sociétale, politique et humaine, mais aussi contre les dérives capitalistes du rêve américain.

Vermont a choisi de lutter, de garder la tête haute et de se battre pour ses droits. Héritier d’un passé familial tragique, son choix suscite l’incompréhension auprès de son propre père, qui a vu de ses yeux le grand-père de Vermont se faire assassiner par le Klu Klux Klan. Paré de ses idéaux, Vermont tente à sa manière de trouver de la dignité, d’être « un homme » comme le scandaient les militants pacifistes qui luttaient pour les droits civiques des noirs-américains, et comme le répétait sans cesse leur leader le révérend Martin Luther King Jr. Mais difficile, voire impossible de défendre des acquis juridiques durement acquis lorsque le système lui-même est corrompu, lorsque le racisme et la violence envers les noirs est encore au mieux tolérée par les institutions, au pire soutenue. Difficile de vivre simplement lorsqu’on est un enfant noir dans une école « mixte » où les petits camarades de classe jouent « aux chapeaux blancs pointus » et vous poursuivent pour vous pendre aux arbres.

Ici l’idée n’est pas de retracer fidèlement l’Histoire du mouvement Black Panthers, mais plutôt de nous faire vivre de l’intérieur les injustices et la tension sociale de cette époque. Jusqu’à l’irréparable. La construction intelligente du récit met en regard le manifeste  » Programme en dix points «  des Black Panthers et la réalité vécue par Vermont et ses proches. A chaque point théorique se cogne un événement du quotidien, miroir de la nécessité mais aussi de la difficulté voire l’impossibilité de faire respecter ses droits. La tension monte tout au long du récit, et les traits expressifs en noir et blanc des personnages croqués par Guillaume Martinez appuient la force des propos. Qui ne peuvent, une fois de plus, que nous glacer face à l’actualité de certaines situations.

Pour aller plus loin

Pour creuser un peu sur le sujet du Black Panther Party, mouvement soumis à beaucoup de controverse mais aussi de fantasmes, on pourra se plonger entre autres dans :

Un mouvement de libération et d’autodétermination qui inspire encore aujourd’hui les opprimés qui luttent pour leurs droits, et a vu émerger de grandes figures militantes et politiques telles qu’Angela Davis.

Motherfucker, édition intégrale, Guillaume Martinez et Sylvain Ricard. Futoropolis, 2014

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