
« Tu verras, un jour on commencera la vraie vie, disait-il souvent. Le principal, c’est d’y arriver intact. Qu’était-ce, la vraie vie ? […] Qu’est-ce que cela changerait ? A quoi saurait-on que la vraie vie commençait ? »
En 1967 est publié aux éditions Denoël le premier roman de Claire Etcherelli, Elise ou la vraie vie. Il fait sensation tant par son acuité socioculturelle que par la justesse de son écriture, et obtient le Prix Femina. Il sera adapté au cinéma trois ans plus tard par Michel Drach avec Marie-José Nat dans le rôle principal, et fera scandale car il montrait de manière brute le racisme très présent dans la société Française.
Vivre la vraie vie, un rêve au goût amer
Région Bordelaise dans les années 1950. Elise vit avec son jeune frère Lucien, et leur grand-mère. Ils sont orphelins, et de condition très modeste. Lucien est bouillonnant, survolté, Elise prudente et mesurée. Elle aime son frère d’un amour inconditionnel, un amour de mère.
Lucien est engagé, il suit de près la guerre d’Algérie, s’insurge contre la gestion du gouvernement. Il est militant, il lutte pour un monde meilleur et des conditions plus justes. Marié trop tôt, devenu père trop jeune, il quitte tout pour partir à la capitale. Vivre la vie des ouvriers qu’il défend, lui qui n’a jamais vraiment travaillé, et quitter cette province trop prévisible, cette vie trop étriquée pour son esprit exalté.
Il demande à Elise à le rejoindre, pour enfin vivre « la vraie vie », assister au basculement du monde, aux lendemains qui chantent. Il lui propose de travailler dans la même usine de fabrication de voitures que lui, elle accepte, et se confronte au travail à la chaîne, à sa pénibilité, à sa dureté, comme l’écrit si bien Robert Desnos : « L’homme qui tâte ses chaussures durcies par la sueur de la / veille et qui les remet / Et sa chemise durcie par la veille / Et qui la remet / Et qui se dit le matin qu’il se débarbouillera le soir / Et le soir qu’il se débarbouillera le matin / Parce qu’il est trop fatigué… »
Elle côtoie le monde ouvrier, les salariés, mais reste en retrait. Elle découvre la violence du racisme, et la xénophobie omniprésente contre ces travailleurs Algériens, Marocains, Européens, et d’Afrique subsaharienne que l’on insulte, maltraite, et colle aux postes les plus dangereux. De cet anéantissement, de cette chaîne déshumanisée qui force les corps à suivre son rythme, naît pourtant l’impensable : Elise rencontre un homme, et en tombe amoureuse. Il s’appelle Azerki, il est Algérien, il est militant du FLN. Autant de barrières insurmontables qu’elle fera allégrement sauter pour vivre cette histoire, non sans mal.
Elise ou la vraie vie c’est l’éveil sentimental et politique d’une jeune femme prises dans les engrenages terribles de l’Histoire. Un roman juste et bouleversant.
Elise ou la vraie vie, Claire Etcherelli. Folio, 1973.
Ce roman a l’air très poignant
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Oui il est assez bouleversant, mais tout est dans les non dits, c’est très puissant
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