
« Tout s’effondra le dimanche des Rameaux. Des vents furieux, porteurs d’une pluie virulente, déracinèrent les frangipaniers du jardin. Ils gisaient sur la pelouse, leurs fleurs rose et blanc rasant l’herbe, leurs racines brandissant des mottes de terre. L’antenne parabolique, qui tomba avec fracas du toit du garage, traînait sur l’allée comme un vaisseau spatial d’extraterrestres en visite. La porte de ma penderie sortit complètement de ses gonds. Sisi cassa un service en porcelaine de Mama tout entier. »
Il ne me restait, dans la relativement récente mais très percutante oeuvre de Chimamanda Nogzi Adichie, que ce roman que je n’avais pas lu, et que je gardais comme un bonbon à savourer en attendant de nouveaux textes. J’ai sauté le pas dans le cadre du bookclub #cemoiscionlitchimamandangoziadichie, et j’en suis ravie. Il était particulièrement intéressant de lire cette oeuvre, sa première, parue en 2003, en ayant connaissance de ses publications ultérieures. Je vous avais d’ailleurs longuement parlé d’elle dans cet article que vous pouvez retrouver ici.
Dieu, papa et moi
Kambili, notre narratrice, est une jeune fille de bonne famille nigériane, qui vit dans une somptueuse demeure avec sa mère, son père et son frère aîné Jaja. De l’extérieur une famille parfaite, avec des enfants premiers de la classe, disciplinés, polis, bien élevés, un chef de famille pieux et généreux, une mère douce et attentionnée.
Un père très pieux donc, qui veille sur le dévouement religieux de ses enfants, leur évite des fréquentions mauvaises, comme son propre père païen non converti, et manage leur temps pour qu’ils réussissent dans tous les domaines.
En grattant la surface, on y découvre une réalité bien plus sombre, où un père tyrannique contrôle le moindre aspect de la vie de ses enfants, les maltraite en usant de chantage affectif et religieux, et bat allègrement sa femme mutique. Cette violence familiale est d’autant plus terrible qu’elle est décrite par les yeux de Kambili, victime sans le savoir, qui aime son père plus que tout et souhaite par dessus le rendre fier d’elle. Lorsque l’on a connu une seule façon de vivre, difficile de saisir en quoi elle est profondément dysfonctionnelle. Les coups, brimades, et plannings imposés sont abordés de manière très implicite, et c’est là l’une des forces de ce roman, Chimamanda Ngozi Adichie réussit avec subtilité et intelligence à distiller petit à petit les indices d’un huis clos familial épouvantable.
Lorsque tous les repères volent en éclats
L’instabilité et la violence ne sont pas uniquement au niveau intrafamilial, un coup d’état frappe le Nigéria, et les voici réfugiés chez leur tante Ifeoma, dont la vie avec ses enfants est aux antipodes de tout ce qu’ils ont connu. Un foyer modeste, vivant, un tantinet bordélique, où fusent les rires et où chacun est libre de vivre et de s’exprimer. Un choc pour les deux enfants, qui réapprennent petit à petit à vivre normalement, et pour qui la perspective d’un retour au foyer paternel devient progressivement une hantise.
C’est un texte d’une grande intelligence, qui décrit par de nombreux aspects l es problématiques qui traversent le Nigéria : le fondamentalisme religieux, l’instabilité politique, la fuite des élites et les conditions de vie dégradées de la population. Mais c’est aussi une ode aux liens familiaux, et à l’affirmation de soi.
L’hibiscus pourpre, Chimamanda Ngozi Adichie. Editions Folio, 2017.
J’adore cette auteure ! J’ai dévoré « Americanah » et j’ai beaucoup aimé « L’hibiscus pourpre ». C’est si intéressant de découvrir le Nigéria de l’intérieur.
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Ahhhh Chimamanda, je pourrais parler des heures d’elle, et suis aussi une adoratrice de son oeuvre ! Oui ce sont deux titres passionnants, mon préféré reste pour moi « L’autre moitié du soleil », d’une incroyable richesse.
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