
« Regardez bien. J’ai enfin seize ans en ce printemps 2001. Combien de centaines d’ancêtres vécurent un moment pareil. Avant que le récit de leur vie ne change de nouveau pour toujours, il y eut Bach, Ellington, Monk et Ma Rainey, Hooker et Holiday. »
Melody, seize ans, est une jeune fille pleine de vie à l’avenir radieux. Seize ans, c’est l’âge à laquelle Iris sa mère l’a mise au monde, avant de prendre de la distance avec elle dépassée par cette maternité précoce et accidentelle. Élevée par son père Aubrey et ses grands-parents Po’Boy et Sabe, dont on suit les pensées à tour de rôle, elle est le ciment de cette famille pas comme les autres qui a du composer avec son arrivée, et dont l’histoire se révèle à nous progressivement tout au long du récit…
Jacqueline Woodson signe ici un très beau roman à la fois intime et universel sur les liens familiaux et la transmission, la maternité et le passage à l’âge adulte, mais aussi sur comment se construire lorsque l’on est afro-américain dans un pays où ses ancêtres ont subi le pire, et où l’on continue à devoir subir le racisme tout en tentant d’y échapper pour ne pas s’enfermer dans cette unique définition de soi.
Les personnages sont complexes et réalistes, et le découpage en chapitres qui alternent leur point de vue est brillamment mené. Tout s’éclaire petit à petit, et l’on plonge progressivement plus en profondeur dans l’intimité de chacun.
Du massacre de Tulsa au 11 septembre, l’autrice mêle habilement petite et grande histoire. Elle explore l’identité noire dans sa construction et sa transmission des traumatismes intergénérationnels, mais célèbre également beauté et la résilience de toute une partie de la population américaine. Magnifique, organique, poétique et bouleversant.
De feu et d’or, Jacqueline Woodson. Editions Stock, 2021.