
On ne présente plus Toni Morrison, figure majeure de la littérature du vingtième siècle. Prix Nobel de Littérature, elle eut à coeur durant toute sa vie de donner une voix aux invisibilisés, aux minorités, et de constituer de par son oeuvre littéraire magistrale un témoignage de l’Histoire des afro-américains. Autrice, mais aussi éditrice, critique littéraire et professeure, c’est une personne que j’admire profondément, tant par la qualité de ses écrits que par sa vie et son engagement. Vous pouvez retrouver un rapide portrait et quelques conseils lectures ici.
Si j’ai lu une bonne partie de ses romans, me restait certains de ses essais, et pourquoi ne pas commencer par celui que je vous présente ici, somme d’une quarantaine de textes, discours et réflexions de cette grande femme.
Divisé en trois parties principales, » La patrie de l’étranger « , » Interlude Black matter(s) « , et » Le langage de Dieu « , ce recueil est une pépite à lire. Les réflexions aiguisées de Toni Morrison englobent aussi bien les questions du racisme, de l’exotisation, de la construction moderne du fascisme, de la place de l’artiste et de l’art dans notre société contemporaine, du 11 septembre, du féminisme…Elle convoque également de frandes figures telles que Martin Luther King et James Baldwin, qui ont oeuvré avant elle à la violence mais aussi la complexité de la société américaine.
Ces textes proviennent de différentes sources, et différentes époques, et permettent de voir sa pensée évoluer et s’affiner au fil du temps. Pourtant courts, ils procurent je trouve matière à réflexion, et nous invitent à faire un pas salutaire de côté. Elle tente à chaque essai de nous faire penser profondément au sens des mots, et à changer notre point de vue sur une réalité que l’on a tendance à prendre pour acquise.
Elle avait déjà pressenti certains grands changement récents dans nos sociétés, et avait une capacité remarquable de nuance et de prise de recul, tout en étant fermement engagée. Ce positionnement intellectuel me rappelle beaucoup James Baldwin, autre immense écrivain et penseur afro-américain du vingtième siècle. Sans haine, mais avec empathie et courage elle pose un regard sans consession sur son pays, et nous livre par cette somme de textes un sublime testament intellectuel, à déguster par petites touches en picorant régulièrement un texte ou deux, ou bien à dévorer d’une seule traite !
Si chaque texte est unique et marquant, voici quelques titres de sous-chapitres pour vous donner une idée de la diversité des thèmes abordés :
- Racisme et fascisme
- Plaidoyer en faveur des arts
- Femmes, race et mémoire
- Mémoire, création et fiction
- Gertrude Stein et la différence qu’elle fait
Ces essais sont un moyen privilégié d’en apprendre plus sur la vision de Toni Morrison, la profondeur de ce qui irriguait son oeuvre, et bien que riches je les ai trouvés assez accessibles à qui souhaite réfléchir à certaines notions de notre société contemporaine. Car la portée de ses essais est au final assez universelle. C’était ça aussi la grande force de cette femme, porter une parole qui peut résonner en chacun.e d’entre nous. Merci pour tout Mme Morrison.
La source de l’amour-propre / Toni Morrison, paru chez 10/18
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