
Voilà une belle initiative qui mérite d’être saluée que ce livre somme, regorgeant de portraits de grandes femmes qui ont changé le monde, source d’inspiration universelle pour les générations à venir. Audrey Célestine, politologue, maîtresse de conférence en sociologie politique et historienne spécialisée des Etats-Unis et des populations noires en France, dresse de chacune un portrait concis et pourtant riche, qui donne envie d’en savoir plus sur ces femmes d’exception.
Encore célèbres aujourd’hui ou bien injustement tombées dans l’oubli, elles ont en commun d’être nées noires ou métisses, dans un pays où elles ont très tôt subi le racisme et le sexisme de plein fouet, que ce soit à travers l’esclavage, la ségrégation, la colonisation…Mais elles ont toutes relevé la tête et lutté, parfois au prix de leur vie ou de leur santé, pour un avenir meilleur.
D’Harriet Tubman à Assa Traoré, elles ont ouvert la voie
Le recueil est intelligemment construit en quatre parties chronologiques, qui permettent de suivre le cheminement et l’évolution des luttes tout en découvrant les nombreux parcours de ces destins hors du commun.
Tout d’abord de la fin du XIXè siècle aux années 1960, dans « Vivre libres » on suit les grandes figures de la lutte contre l’esclavage, la ségrégation et la colonisation. Des femmes comme Harriett Tubman icône de l’Undeground Railroad ayant passé sa vie à se battre pour un affranchissement complet des esclaves, Paulette Nardal créatrice oubliée du mouvement de la Négritude, Ida B Wells journaliste d’investigation ayant documenté minutieusement la pratique du lynchage et le racisme aux Etats-Unis à la fin du XIXè siècle, ou bien encore Claudette Colvin première femme noire à avoir refusé de s’assoeir dans l’espace réservé aux « gens de couleur ».
Vient ensuite la partie des années 1960 aux années 1980, « Clamer Black is beautiful ». C’est le temps de l’affirmation et de la contestation, et les débuts du Black feminism. On découvre la grande romancière Paule Marshall, et des figures incontournables telles qu’Angela Davis et Maya Angelou entre autres.
Les années 1980-2000 sont l’occasion dans une troisième partie, nommée « Donner de la voix », de revenir sur une période où bien que légalement la fin des inégalités soit censée se produire, le compte est loin d’être bon, et l’intersectionnalité devient un prisme de recherche pour décortiquer les mécanismes d’oppression. Les femmes noires encore victimes de stéréotypes dégradants investissent l’espace public pour décrire leur réalité, telle la « longue lettre » de Mariama Bâ, les romans de Toni Morrison ou bien encore Maryse Condé, les films militants d’Euzhan Palcy…
Et aujourd’hui ?
La dernière partie du recueil, « Assignées…No More! » dresse le portrait des figures émergentes des vingt dernières années, telles que la grande politicienne Christiane Taubira, les autrices militantes Léonora Miano et Chimamanda Ngozi Adichie, Alicia Garza Opal Tometi, et Patrice Cullors fondatrices du mouvement Black Lives Matter, ou bien encore la chorégraphe et danseuse Bintou Dembélé.
Autant de voix à travers les âges qui ont façonné et fait avancer le monde, et auxquelles Audrey Célestine rend grandement justice dans cet ouvrage que je vous conseille de découvrir, et dont la bibliographie finale est la porte d’entrée vers de nombreux textes fondateurs et majeurs pour l’humanité.
Des vies de combat : femmes noires et libres, Audrey Célestine. Editions de l’Iconoclaste, 2020.
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